"Chrysalide: le rêve du papillon" se veut un hommage à la métamorphose et à la transformation incessante du monde et de tous ses êtres organiques et inorganiques.
Au Centre genevois d'art contemporain, la manifestation transdisciplinaire "Chrysalide: le rêve du papillon" bénéficie d’un accrochage sobre, épuré. Faisant expérimenter une large palette d’émotions et expressions artistiques, l’exposition veille à un équilibre dans la visibilisation entre les genres (le féminin et le masculin) pour explorer la notion on ne peut plus actuelle de changement et de transition.
Ceci en se concentrant notamment sur le symbolisme du papillon et sur les différentes formes que peut prendre la transformation dans la nature et la vie humaine. L'exposition est organisée en plusieurs sections détaillant les différentes facettes de la métamorphose comme une constante (ré-)invention de soi.
Diversité
Ainsi l’une d’entre elles aborde la symbolique du papillon associée à la transformation, la renaissance et l'évolution. Comme de juste, on y croise des réalisations qui évoquent la fragilité de la vie et la beauté éphémère. «L’approche inclut des artistes issus de plusieurs générations ainsi que d’aires géographiques contrastées. Il était essentiel de favoriser un dialogue entre des œuvres issues de la Collection de l’Art Brut à Lausanne et des réalisations de figures artistiques historiques des années 60 et 70 ainsi que de jeunes trentenaires.
Au cœur de l’événement, on trouve ainsi le geste de constamment redéfinir les possibles de soi et de l’œuvre. En témoigne le travail très politique de l’artiste portugais d’origine chinoise, Bruno Zhu, né en 1991. Il adopte l’approche du couturier styliste concevant l’anatomie de ses modèles tels les fragments d’un kaléidoscope voire d’un puzzle.
Conversations avec le non-humain
Même souci artisanal chez la Roumaine Ana Lupas (1940) qui s’est d’abord adonnée au tissage, avant de s’orienter vers les arts plastiques et le travail en milieu rural. Parmi les constantes de ses efforts artistiques, relevons une forte affinité avec la nature, les coutumes et traditions de son pays notamment dans des villages de Transylvanie, embrayeurs d’imaginaire pour sa production. Dès ses débuts elle recourt à des happenings et performances convoquant les communautés locales. "Coat for Reaching the Purgatory" permet au tissu d’évaser son potentiel narratif et allégorique.
Abordant les règnes non humains et l’hybridation, la plasticienne sud-coréenne Anicka Yi fait du souci environnemental l’un de ses axes créatifs. "Releasing The Human From The Human" ouvre sur des sculptures sphériques lumineuses composées d’algues marines irradiant doucement l’espace d’une lueur verte mordorée.
Mettant en mouvement des hybrides qui fascinent, l’Américaine Kiki Smith (1954) est connue pour son travail de sculpture, de gravure, de dessin et de textile. Il explore la féminité, la mort, la nature et la spiritualité. Dans certaines œuvres comme encre sur papier népalais "Dear Body Drawing", elle développe un lien singulier et matriciel entre humains et bêtes interconnectés dans un univers de contes.
Vidéos symboliques
Natif de Toronto (1991), Sin Wai Kin permet au regardeur de cocooner sur de larges coussins et d’accueillir en mode lounge sa performance vidéo, " If I Had The Words To Tell You We Wouldn’t be here now", belle fiction spéculative identitaire.
Ce morceau de bravoure mélancolique et philosophique taoïste en forme de réflexion sur l’identité plurielle voulant échapper à toute labellisation voit l’artiste évoluer presque imperceptiblement en kimono et maquillage tirant vers l’Opéra de Pékin entre des plantes vertes scandant un espace d’un kitsch théâtralisé assumé. Encore et toujours la métamorphose est au cœur d’identités fluides sans cesse rebrassées comme une sorte d’infini remodelage de la transformation elle-même.
Bertrand Tappolet
Présentation vidéo de l'exposition
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