top of page
  • Photo du rédacteurbtappolet

Un été inattendu à Tokyo

Dernière mise à jour : 27 déc. 2018

Avec Elisa Shua Dusapin, la réalité devenue curieuse, bizarre, incompréhensible, rejoint l’invisible. Pour un singulier et déroutant roman.

Les Billes du Pachinko
Une écrivaine des états incertains et des mondes flottants


Pachinko Elisa Shua Dusapin
Un large éventail de sensations


Sous le vernis du visible et la banalité, la romancière franco-helvetico-coréenne pêche pour Les Billes du Pachinko des sensations limpides et opaques. Le Pachinko ? Un jeu collectif et solitaire. Un hybride entre le flipper et la machine à sous dont les établissements sont souvent contrôlés par les mafias locales .


Parmi les thèmes esquissés, les relations entre générations ; le monde du jeu qui en japonais et en coréen, « s’applique autant à une sortie entre salariés qu’à un jeu d’enfant », les récits et contes pour l’enfant (Ernest et Célestine, Heidi) le déchirement identitaire entre cultures, la résignation, la tristesse et la solitude. Le pitch ? La trentenaire Claire s’efforce d’organiser pour ses grands-parents un voyage vers la Corée qu’ils ont fuie. En même temps, elle tente de se rapprocher de Mieko, une enfant à qui elle enseigne le français.


Fascinée par la photographie, l’auteure zoome sur le détail : « L ’image initiale du récit ? Celle d’une belle jeune femme-sandwich devant un Pachinko, dont elle faisait le teaser sonore pour appâter le chaland dans l’indifférence générale. » C’est aussi le punctum d'une photo selon le philosophe français Roland Barthes, un détail, un objet partiel qui lance le désir au-delà de ce que l'image donne à voir.


Disparaître


Voici un récit qui suspend, un instant, un temps dans le doute, dans l'entre-deux, le demi-jour, un fragment de la réalité. On songe ainsi à cette visite d’un parc à thèmes dédié à l’univers reformulé de Heidi, Un petit train y chemine avec une lenteur désespérante, possible reflet de l’engourdissement qui marque si fort Claire, répétitrice vite désoeuvrée dans son séjour tokyoïte.


Le roman poursuit la méditation de l’écrivaine sur le délaissement des autres et le dessaisissement de soi dans son précédent ouvrage multiprimé, Hiver à Sokcho. Cette injonction d’exister et de performer socialement à laquelle se soustraient dès que possible les figures féminines principales de ses fictions.


Bertrand Tappolet


bottom of page