La force de «Mirkids» est d’avoir des corps évoluant souvent au sol tout en donnant l’impression de flotter dans les airs.
Créée par la chorégraphe Jasmine Morand, Mirkids invite à la contemplation d’une dynamique à la séduction contagieuse. Etendu sur le pourtour d’un vaste cylindre, le jeune public auquel est destiné cette création voulue néanmoins transgénérationnelle, scrute les trajectoires silencieuses et les constellations en reconfiguration continue des huit interprètes de la pièce. Leurs évolutions se reflètent sur d’immenses miroirs placés aux cintres.
Ligne de Mire
Dans sa volonté de travailler des états de conscience, le registre formel de la pièce semble feuilleter les règnes successifs du végétal, de l’animal et du minéral. Un geste si commun et banal, dormir en position fœtale, se retrouve projeté au rang de l’insolite et du singulier dans ce contexte de vision décalé et renversé.
Mirkids est la recomposition destinée au jeune public de Mire (2018). Du point de vue de l’histoire de la photographie, on songe ainsi à deux pionniers dans l’étude décomposée du mouvement : Eadweard Muybridge et Étienne-Jules Marey passionné par la locomotion humaine et animale ainsi qu’adepte de la chronophotographie permettant d'observer des mouvements rapides en les décomposant.
Fresque mobile
Au cœur de ce déplacement global et réagencement multiplié de chaque nouvelle configuration. Celles-ci lient sur un canevas géométrique privilégiant ici le cercle, là le triangle, plus loin l’étoile, les anatomies entre elles comme on le ferait au cœur d’un kaléidoscope mouvementiste.
Chorégraphier en devient un dessin d’ensemble formé de multiples variations. L’opus permet ici un chemin de regards sur une fresque surplombante. Les corps se tuilent, s’agrègent et se séparent géométriquement au gré d’une sorte de morphing continue de configurations et postures.
La forme circulaire est reprise à plusieurs niveaux de Mirkids évoquant la ritournelle pour l’enfant. Au fil de Mirkids, «la moitié de la pièce se déploie en position début, mobilisant fortement les bras. C’est la vision zénithale du corps avec une mobilisation expressive des bras, la rythmique des pas, le frottement des mains contre les parois et l’utilisation de marches. Autant d’éléments qui n’ont pas été explorés dans Mire.»
Debout
Autre singularité au détour de ces corps qui accèdent désormais à la station debout. Il s’agit par instants pour l’interprète de moduler équilibres et déséquilibres sans aller nulle part précisément.
Les marches qui scellent la pièce sont directionnelles et géométriques avec les bras qui se croisent. Avant de jouer du poids et du contre poids désormais interchangeables dans un dispositif privilégiant le contact-release.
Bertrand Tappolet
Photos : Céline Michel
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