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Entre visible et invisible, un drame amérindien

Lucas Olivet explore les cadres de vie et réalités de femmes amérindiennes victimes de violences en Colombie-Britannique (Canada).

Dans un van deux images maculées d'un bonheur passé. Série "Medicine Tree". Lucas Olivet
Dans un van, deux images maculées d'un bonheur passé. Série "Medicine Tree". Lucas Olivet


Une jeune fille amérindienne derrière un voile de mystère. Lucas Olivet
Une jeune fille amérindienne derrière un voile de mystère. Lucas Olivet

Le photographe suisse propose une série - Medicine Tree - interrogeant avec les mémoires douloureuses hantées par la perte et l’oubli, les deuils problématiques de femmes autochtones tuées, et dont les dépouilles n’ont pas été retrouvées. Le titre recouvre une région durement frappée par des problèmes écologiques, les rites et symboles sacrés convoqués lors de cérémonies en mémoire des disparues Il désigne aussi un arbre de Prince George, source inépuisable de résine médicinale.


Naviguant du photojournalisme à l’enquête imagée, la série explore les communautés de la région de Prince George. Ainsi aux abords de l’«autoroute des larmes», une cinquantaine de disparues ou assassinées constituent des cas tragiques souvent non élucidés depuis 1969. Selon un rapport d’Amnesty International («Sœurs volées»), les violences subies par les filles et femmes autochtones sont profondément enracinées dans le territoire.


Le document dénonce des «menaces omniprésentes et généralisées». Il jette un éclairage sinistre sur l’«isolement et la marginalisation sociale» des femmes autochtones au Canada, sur le racisme, le sexisme, les «préjudices culturels», la «discrimination systémique» et la «violence de genre» qu’elles endurent. Il évoque aussi les enquêtes bâclées des autorités. Le Canada semble cultiver une image de tolérance et de consensus social. C’est alors une autre réalité qui apparaît. Celle d’un pays qui connaît une suite d’assassinats et de violences misogynes, portant le bilan à 1200 femmes autochtones tuées ou disparues au plan national.


Communautés oubliées

Il y a des portraits et des paysages. Voyez cette jeune autochtone est entourée de buée. Elle pourrait être l’une des prochaines victimes majoritairement jeunes. Elles sont désignées parfois comme indigenous pour englober à la fois Amérindiens, Inuits et Métis. Au cœur d’une province connaissant une grave crise économique et vivant avec les industries polluantes des usines de papier, Lucas Olivet s’est approché en zig-zag des laissés-pour-compte et de leurs paysages.


Dans son mobile home, Amanda, une autochtone précaire pose avec son bébé dans une photo vieillie scotchée à une paroi mobile. L’intérieur de sa caravane est tâché de projections colorées suite à une explosion de gaz. Le cliché familial est mis en rapport avec l’image iconique de Marilyn Monroe extraite du film Sept ans de réflexion. Deux modèles de bonheur portés disparus.


L’histoire des communautés locales est kaléidoscopique, fragmentaire, comme pour la nouvelle qui accompagne le travail photographique. Ecrit par Lauren Haddad, le récit est intitulé PG (pour «Prince George»). On y lit: «C'est une épicéa noir, un arbre que l'on trouve dans toutes les provinces du Canada, un arbre qui préfère les milieux difficiles. Randy l'appelle son arbre médiéval au milieu de l'enfer. Peut-être qu'il pleure tellement parce qu'il doit travailler si fort pour tout le poison qu'il y a ici, dit-il».


Bertrand Tappolet


Site de l’artiste: www.lucasolivet.ch

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