top of page
  • Photo du rédacteurbtappolet

Le Colorado fantôme de Kristine Potter

Dernière mise à jour : 3 nov. 2022

La photographe américaine livre une réflexion en noir-blanc tendre et mélancolique sur la masculinité au cœur d’archétypes américains.

"La Nuit tombe", photo de la série "L'Oeil cacophonique" inspirée de l'univers dada et de Facebook. Aurore Valade
Kristine Potter. Série "Manifest".


"Epoca" extraite de la série "L'or gris". Aurore Valade
Kristine Potter. Série "Manifest".

Sillonnant un Colorado montagneux et désertique avec chambre et trépied, sans souvent y croiser âme qui vive, Kristine Potter tire en noir-blanc le portrait d’un cow-boy au travail saisonnier ou d’un adepte de la permaculture pour son livre intitulé Manifeste.


Issue d’une famille catholique avec militaires de haut rang, la photographe s’est souvenue que ses lointains ancêtres avaient accompagné Buffalo Bill au fil des tournées du Wild West Show.


Danse avec la réalité


«Avec l’appareil photo, il s’agit d’une danse avec le réel dans une forme de méditation permettant de répondre à une situation sur le fil de l’instant. Certains portraits sont le fruit de rendez-vous avec leur sujet en décidant de concert sur le lieu souhaité pour la prise de vues. On est à mi-chemin entre mon ressenti et la sensibilité, la personnalité de la personne portraiturée. Ce qui amène toujours une autre dimension entre le visible et l’invisible», explique la femme d’images en entretien.


Le titre de son travail, Manifest (Manifeste), fait référence à la notion de destinée manifeste des États-Unis apparue dans le contexte de la colonisation en 1845. La Manifest Destiny implique pour ces colons une mission à accomplir, une forme de mystique expansionniste, qui marque culturellement et politiquement les États-Unis jusqu’à nos jours. C’est cette mystique coloniale d’essence divine que Kristine Potter interroge et met en crise à travers ses images d’êtres solitaires abandonnés dans le paysage et loin de toute idée de domination, d’exploitation et de force.


Masculinités en question


La photographe est issue d’une famille de militaires emplie d’archétypes autour de la masculinité. Sa vision du mythe de l’Ouest américain est donc empreinte de son expérience de certains codes le régissant. Et par son envie moins d’en fragiliser les bases que d’en donner une forme de négatif permettant aux personnes portraiturées de conserver leur dignité. Au stéréotype du cow-boy viril à la John Wayne se substitue une masculinité plus douce et vulnérable, isolée dans les univers des collines du Colorado aussi arides qu’indécidables.


S’agit-il alors au gré de cette série de masculinité fragilisée, de désorientation d’une citadine au cœur d’un Ouest tourmenté, de dissolution des présences dans un paysage minéral cadrant un torse d’homme dénudé émergeant de l’obscurité? «C’est bien un cow-boy vivant dans l’Ouest Il est employé comme journalier dans la conduite de troupeaux, précise la photographe. Lors de l’une de nos rencontres, il travaillait dans son jardin sous une chaleur étouffante et avait enlevé sa chemise».


L’œil découvre aussi un homme se lézardant sur un rocher au milieu du fleuve mêlant nudité et slip christique dans une pose rappelant de loin en loin un tableau. Dans la postface du catalogue, le photographe et écrivain Stanley Wolukau-Wanambwa, évoque pour cette série une «vigueur audacieuse, blanche et masculine, héritière du symbole brillant qu’est l’Ouest américain».

Images Vevey avait révélé la mise en clair-obscur dérangeante d’une masculinité toxique pistée dans son sidérant Dark Waters.


Son installation filmée de Murder Ballads refigurées autrefois par Nick Cave. Passées dans un club aux effluves lynchiennes, ces chansons content les meurtres d’épouses et compagnes dans un romantisme noir. Le baiser et la trahison de l’être plus fantasmé qu’aimé se confondaient avec la griffure et la violence.


Bertrand Tappolet

Site de l’artiste: http://www.kristinepotter.com/




bottom of page