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Photo du rédacteurbtappolet

Les vivants et les défunts

La photographe Virginie Rebetez déploie traces, images et mots autour d’un parent défunt. Pour renouer le dialogue entre vivants et trépassés.

"La Nuit tombe", photo de la série "L'Oeil cacophonique" inspirée de l'univers dada et de Facebook. Aurore Valade
«Vous trouverez mon corps au petit port», Vue de l'exposition par Virginie Rebetez


"Epoca" extraite de la série "L'or gris". Aurore Valade
«Vous trouverez...». Vue expo par Virginie Rebetez

La Lausannoise a réalisé une installation artistique autour du suicide. Donnant son titre à cette dernière, la phrase «Vous trouverez mon corps au petit port» s’inspire de la note de suicide du grand-oncle de l’artiste, Bernard Rebetez âgé de 80 ans, le 13 juin 2010.


Suivre les traces

Il y a ainsi entre autres quatre photos grand format du pull ayant appartenu au parent décédé. Ceci en divers étapes de pliage, de dos et face comme l’autoportrait d’un être évanoui par les traces laissées soigneusement derrière lui. Virginie Rebetez a souhaité dialoguer avec une création due à la plasticienne française née en 1983, Marie Ilse Bourlanges, ayant souvent explorer les qualités narratives et transitoires de la terre comme matériau notamment.


Il s’agit d’une est une forme de métier à détisser lentement la laine. Un geste automatisé rejoignant le détissage/retissage d’une vie aux fils brusquement coupés par plusieurs sources et représentations. Marie Ilse Bourlanges a aussi conçu des cartes perforées censées transmettre des infos et qui ici reproduisent les motifs du pull du défunt.


Archive, note et rythme

L’œil découvre des archives : le rapport de police, celui d’autopsie. Mais aussi des photos que l’artiste a demandé à son père de prendre dans l’appartement du grand-oncle (penderie, peintures, canard en céramique...), ne pouvant être présente sur les lieux ni à la cérémonie. Dans un dispositif variant les formats, elles sont présentées sur deux étagères pareilles à des couvertures de livres, voire des cartes postales en accrochage serré. Les sources se déclinent, dialoguent, se télescopent voire se brouillent. La scénographie favorise ainsi l’entre-deux, ce qui vient à manquer et demeurera à jamais irrésolu.


L’investigation se veut poétique. Prenez ce la note manuscrite de suicide du grand-oncle. Elle est reproduite et encadrée vingt fois. Avec pour chaque image un caviardage d’une partie du texte par des traits noirs au pinceau. «Il y a toujours une éclipse, un bug dans le message. J’accorde une grande importance au rythme, à la musicalité de ce dispositif pareil à une partition, bien plus que sa signification», relève l’artiste.


La disparition donne le ton

Au fil de son travail qui réfléchit toujours à notre rapport aux images et au médium photographique, Virginie Rebetez a fait découvrir les anonymes faisant appel à Dignitas aidant au suicide, (Infangstrasse 12). Mais aussi des personnes précarisées décédées dans la solitude à Amsterdam, dont elle prolonge les actions arrêtées par leurs disparitions avec Flirting with Charon et The Fair. Les vêtements de défunts non demandés par les proches et pliés après décès photographiés comme des pièces d’exposition sont les sujets de Packing.


A Soweto, des pierres tombales recouvertes se métamorphosent en étranges sculptures (Under Cover) alors que les guérisseurs sud-africains reconduisent le dialogue entre visible et invisible au détour de Tokoloshe. Les interrogations insolubles autour de la disparition et de la mort hantent aussi son investigation photographique la plus aboutie à ce jour, Out of the blue (Meta/Book, 2016).


Cette dimension jouant du visible et de l’invisible est naturellement omniprésente depuis les mesures sanitaires de mars dernier entourant les cérémonies funéraires sous Covid-19. Si la photographe en a accompagné certaines par des prises de vues vidéo elle reconnait que WhatsApp fait souvent son office par smartphone interposé d’un endeuillé.


Bertrand Tappolet

Site de l’artiste: www.virginierebetez.com

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