La pièce dansée Crowd construit souterrainement les émotions dans le temps et l’intime du spectateur.
Sur la terre d’une rave tellurique, free party tramée par une bande son électro minimaliste et répétitive, les danseurs au ralenti de leurs mouvements en mode slow motion se dirigent-ils vers une évocation en creux de l’attentat du Bataclan ?
Ainsi par ces corps juvéniles éclatés, inanimés au sol, la déploration d’une jeune femme, ou l’imperceptible progression d’une danseuse les mains pleines de terre pour une cérémonie de deuil menée sur un être-poupée inanimée proche des tableaux imaginés par le peintre Hans Bellmer.
Emotions dilatées
La durée étendue des gestes qui déréalise, l’étrangeté qu’elle produit, tout comme la logique du rêve ou du spectral de laquelle elle peut participer, décalent l’activité perceptive du spectateur. Elle permet l’accès à une visibilité accrue du mouvement. Crowd explore les obscurs mouvements de l’âme qui échappent aux danseurs adolescents Mais surtout les régimes émotionnels qui sont les nôtres : anxiétés flottantes, égarements chroniques.
En témoignent les couples qui se forment pour mieux se déprendre entre hébétude et sourde terreur. Ne semblent-ils pas donner un visage humain à cette stupéfiante déglingue ? Fouillant les décombres, brassant le vide entre les êtres, le nihilisme, la solitude, la douleur et l’extase, la fable corporelle se déploie. Rappelant par instants les états de corps somatiques du Last Days de Gus Van Sant, la transe hallucinée et jubilatoire, désespérée et spectrale sonde des figures adolescentes tour à tour anesthésiées et émancipés dans l’extase, progressant entre violence larvée et plaisir de la possession dansée.
Bertrand Tappolet
https://www.youtube.com/watch?v=tbN5_CbfwNU
https://www.youtube.com/watch?v=2xuH5lq-DQI
https://www.dailymotion.com/video/x6bc6ur
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