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  • Photo du rédacteurbtappolet

L’expérience de la nature

L’exposition «Être(s) ensemble» interroge les rapports entre humains et nature.

"La Nuit tombe", photo de la série "L'Oeil cacophonique" inspirée de l'univers dada et de Facebook. Aurore Valade
Vue de l'exposition "Etre(s) ensemble". LDD


"Epoca" extraite de la série "L'or gris". Aurore Valade
Vue de l'exposition "Etre(s) ensemble". LDD

La nature et l’expérience que l’on en fait nous lie entre humains et à l’ensemble du vivant. Mais quelles expériences sont-elles encore possibles aujourd’hui au sein de biotopes profondément bouleversés par l’anthropocène, la pollution et la réduction des habitats naturels ?


Effondrement et collaborations


Alors que notre modèle agricole et alimentaire est miné par les pesticides, que les populations d’insectes, abeilles et oiseaux chutent drastiquement voire s’effondrent jusqu’à menacer toute possibilité de vie sur terre, le Musée d’Ethnographie de Genève (MEG) a choisi de ne pas jouer la carte de la solastalgie, cette détresse psychologique ressentie face à la perte de la biodiversité et aux paysages anéantis par le changement climatique.


Le message de l’exposition Être(s) ensemble regroupant en ilots élégants et épurés, objets, témoignages vidéo et photos est de persévérer tant que faire se peut un authentique souci de la nature. Comment? En favorisant son observation attentive et non invasive et sa persévération. «Les notions de responsabilité et de réciprocité qui sont aujourd’hui au cœur des débats ne sont pas nouvelles pour les ethnologues», explique la Commissaire d’exposition dans un texte d’intention.


Représentations


Secondé par les portraits photographiques détourés sur fond blanc de Jonathan Watts, l’œil parcourt ensuite les destins croisés au cœur du binôme formé par Stefano Unterthiner, un zoologiste qui dédie le plus clair de son temps à la photographie documentaire naturaliste. Son objectif rencontre une renarde rousse et rusée. Elle mêle une dimension de nature sauvage aux projections humaines qui la cernent.


On suit les marches du photographe en montagne. Le documentaire vidéo est travaillé du souci de maintenir la balance entre un monde menacé - ici par le tourisme de masse et le réchauffement climatique - et des raisons d’espérer. Des artefacts parcourant l’arc des objets (caméra photo, couvertures de magazines…) et représentations des deux protagonistes complètent cette niche d’observation.


Insectes mutants

Artiste peintre et dessinatrice scientifique, Cornelia Hesse-Honegger s’intéresse aux punaises et à leurs mutations et déformations proches des centrales nucléaires. Influencée par le pionnier de l’abstraction, Mondrian, elle l’est aussi par des peintres anciens comme Hans Holbein, Johannes Vermeer et Sibylla Meria. Ses compositions d’insectes irradiés avec bosses et malformations sont plastiquement troublantes.

Si ses aquarelles, dessins et esquisses exposées sont d’une précision anatomique, formelle et colorimétrique à couper le souffle, cette artiste suisse est internationalement reconnue pour son inlassable combat environnementaliste à faire reconnaître l’existence d’organismes en mutation (ailes déchirées, abdomens troués…) sous l’effet délétère des radiations même faibles et hors accidents - Three Mile Island, Tchernobyl… - affectant la faune locale. Dans le diptyque photo, le portrait très détaillé de l’insecte qui lui est associé est une punaise arlequin récoltée près de la centrale de Three Mile lors de l’accident de 1979. Hypersensible aux polluants, l’insecte est un véritable baromètre biologique.


Le parcours se scelle sur une installation sculpturale rétrofuturiste, imaginée sur la base de données scientifiques, Econtinuum cosignée par l’artiste Thijs Biersteker et le botaniste Stefano Mancuso. Elle nous invite à contempler la conversation entre les racines de deux pins tant les plantes sont hyperconnectées et se soutiennent mutuellement par un réseau leur permettant de partager besoins et nutriments. La forêt est une communauté. Et l’humanité?


Bertrand Tappolet Etre(s)ensemble, MEG Genève, jusqu’au 7 janvier 2024




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