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L’audition mise en question

Pour le Ballet Junior, le chorégraphe français Olivier Dubois a imaginé Audition, une pièce sur mesure de leurs quotidiens.


 GuilhermeBothelo Contre-mondes
"Audition " d'Olivier Dubois ou la dissection d'une passage obligé dans la vie d'un interprète.


Contre-mondes  Bothelo
Enchevêtrement de corps sculptures . "Audition" de O. Dubois

Que voit-on d’abord longuement sur le plateau d’Audition ? En front de scène, sur une ligne de frise, les interprètes immobiles sont agglomérés, compactés. Assis, un corps encastré dans l’autre, fichés à la renverse tels des naufragés, surgis ici du Radeau de la Méduse de Théodore Géricault, là du Naufrage signé William Turner. Une vision de la communauté artistique qui est la compilation de destins ayant le corps pour véhicule et horizon.


Sur la scène devenue laboratoire et test de leurs capacités et expressivités pour de créations en devenir, les danseurs évoluent notamment sur un tapis sonore de fitness techno disco. En boucles répétitives, leurs tâches sont de s’habiller puis de se dévêtir fébrilement.


Comme le reflet accéléré jusqu’au vertige d’un quotidien d’avant et après labeur dansé. Corps s’enroulant sur soi, dégagés architecturés, tressautement et torsions se déposent sur leurs mouvements comme autant de GIF animés ou vignettes dansées.


Tableaux vivants

Sous l’aspect de tableaux vivants immobiles, les anatomies ramènent à des compositions de l’histoire de la peinture comprenant des héros vaincus ou gisants. «Héros», c’est ainsi que sont qualifiés les jeunes danseurs du Ballet junior dans le texte signé du chorégraphe et projeté sur un immense écran. Héroïsation mais aussi sujétion à un projet chorégraphique auquel il veut croire à tout prix. Au cours du processus d’audition, le danseur ne s’appartient littéralement plus à lui-même.


Figure lancinante, répétitive souvent rencontrée chez Olivier Dubois depuis une dizaine d’années, la marche permet à chaque danseur de se présenter au public, tout en changeant son prénom à chaque passage. Démultipliées, ces marches forment ensuite des lignes continues de candidats à l’audition siglés de leur numéro de passage avent de se disperser.


Improvisations express


S’ensuivent les improvisations libres réparties en trois groupes. Les danseurs découvrent les scénarios de ces séquences en direct, comme le public. Ils ont alors sept minutes pour concevoir une chorégraphie ayant pour thème, pour le Groupe 1, le faux bourdon.


Ce que le chorégraphe Olivier Dubois, agitateur de la scène contemporaine française depuis 10 ans appelle «une dissertation vivante autour de la petite anatomie de l’audition» se traduit notamment par un juridisme contractuel. Fruit d’une compilation de plusieurs contrats types, règles et normes sont projetées sur grand écran ou cyclo, en fond de scène.


Un salariat controversé

Le public apprend que le danseur - retenu ou non - renonce à tout droit sur son image filmée au cours des auditions. Et à tout copyright sur les séquences qu’il danse et participe à créer. Puisque l’industrie et l’économie chorégraphiques fonctionnent au projet, il n’y a ni contrat pérenne ou provisoire. C’est une forme de «salariat» intermittent souvent perçu comme défavorable à l’employé.


Vers son terme, Audition propose un exercice test aux huit danseurs rescapés des éliminatoires. Réalisé une pietà en marchant très lentement par micro-mouvements vers le public. Une descente de croix donc. Pour parachever le parcours éprouvant de Golgotha pour danseur que constitue le processus d’audition.


Bertrand Tappolet





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