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«Angels in America», le temps du sida

«Angels in America» est le portrait de la société du melting-pot et de l’exclusion face au sida.


L'amour à mort dans les années sida à New York au fil d'une gestuelle minimaliste, fluide et iconique.


L'Ange de l'Histoire embrasse le mourant.

Le chorégraphe lausannois Philippe Saire signe sa première mise en scène baignée d’une grande physicalité et hantée de mouvements comme venus de l’inconscient des personnages d’Angels in America (1991), pièce chorale, kaléidoscopique, et épique qui valut le Prix Pulitzer à l’Américain Tony Kushner.


Jeux de miroirs


Entre Shakespeare et Corneille, la pièce dévoile un goût pour les jeux de miroirs et le théâtre d’illusions et d’apparitions baroques, mises en abyme, songes ou hallucinations. On traverse l’Histoire, la fin de la Guerre Froide et les mythes bibliques de la rédemption.


Ecrite quelques années après la catastrophe de Tchernobyl et dans la foulée de la chute historique du socialisme d’Etat - les deux parties distinctes sont Le Millénaire approche et Perestroïka l’intrigue suit au fil d’un montage alterné très cinéma deux couples.

L’un est homosexuel, l’autre mormon avec gay refoulé et épouse sous valium - la sidérée Joëlle Fontannaz en apesanteur. Mais c’est surtout la trajectoire du riche avocat new-yorkais Roy Cohn (Roland Gervet, tendu et cynique) qui intrigue. Ce derniers est est dans les années 70, le défenseur et le conseiller juridique de Donald Trump. Avant que Kushner ne l’imagine soigné dans ses heures terminales sous le signe du sida par un infirmier transgenre afro-américain (Jonathan Axel Gomis, impeccable).


Prédateur sexuel et économique


Bénéficiant grâce à ses relations du traitement alors pionnier et inaccessible par son prix exorbitant au commun des mortels de l’AZT contre le sida. Anticommunisme et ambition se conjuguent pour faire de cet avocat prédateur sexuel et financier, juif antisémite et homophobe, l’éminence grise du sénateur républicain MacCarthy. Il s’acharna sur les époux et militants de gauche Ethel et Julius Rosenberg accusés d’espionnage au profit de l’URSS et envoyés à la chaise électrique le 19 juin 1953.

Réduite à deux heures, la mise en scène ne peut prétendre -et ce n’est pas son propos - à l’ampleur et la poésie fêlée se dégageant des versions de belle mémoire. Ainsi celle de Brigitte Jacques, à la Comédie de Genève en 1994. Ou le bel hommage à la comédie de mœurs signé Krzysztof Warlikowski traduisant bien le sentiment de révolte envers l’Amérique républicaine (Festival d’Avignon, 2007).

D’une pandémie à l’autre


De Reagan à Trump même obsession de la «grandeur américaine», et la lutte tous azimut contre les communismes. Les militants de la lutte contre le sida accusent depuis trois décennies le président républicain Ronald Reagan (1981-1989) d'avoir été totalement indifférent au début de l'épidémie et fustige son inaction déplorable.


La pièce de Tony Kushner vient rappeler quelques réalités brûlantes. La médecine ne permet toujours pas de guérir le VIH. Aujourd’hui Le président-candidat Donald Trump tente de minimiser la crise du coronavirus. Or l’épidémie du sida, ce qu’elle révèle socialement, économiquement et culturellement se revit sous d’autres modalités et formes avec la propagation du coronavirus. Cette dernière pandémie met à mal libertés publiques et solidarités essentielles, tout en faisant ressurgir les pires peurs millénaristes et anti-migratoires. Tout ce que Kushner avait imaginé.


Bertrand Tappolet




Site de l'artiste: www.philippesaire.ch

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